Luomei, sous sa forme humaine (celle qu'elle adopte le plus souvent), est une jeune femme d'origine tianne aux longs cheveux blancs, terminés par des pointes bleutées. Elle a les yeux d'un bleu clair, presque indigo, perçants et suspicieux de tout. Elle arbore une armure de cuir ornée de colifichets et bijoux. Son objet fétiche est une écharpe qui dissimule des lames, un butin précieux, et son arme. Elle ne porte qu'une sacoche à la ceinture, remplie de bardas et objets divers et variés. Seules ses mains et son visages sont visibles, le reste de son corps est complètement caché.
Sous ses vêtements se cache une image bien loin de l'immaculée qu'elle laisse paraître. De longues cicatrices parcourent l'intégralité de son corps. La pire de ces marques se trouve sur sa gorge: une cicatrice effilée qui aurait dû lui coûter la vie. Le cruel souvenir de la nuit qui a changé sa propre existence.
Je suis née dans les ruelles gelées d’Ordu-Aganhei, là où la lumière se brise sur la neige sale.
Mes parents étaient tailleurs, kitsunes discrets au rire doux, capables de transformer les lambeaux de tissu en merveilles.
J’aurais pu grandir heureuse, dans la chaleur de leurs mains… mais le destin a un goût métallique.
Je me souviens du froid cette nuit-là — pas celui de l’hiver, non. Un froid plus profond, celui qui naît quand la peur se mêle au sang.
Les silhouettes sont entrées sans un bruit, comme si elles flottaient.
Je me suis cachée sous l’établi, le cœur battant contre le bois, priant pour que personne ne m’entende respirer.
Puis il y a eu les cris. Ceux de ma mère, courts et brisés. Ceux de mon père, étouffés dans sa gorge. Puis des pas, lourds, ceux de bottes sur le bois du parquet. Une paire d'yeux rougeoyants qui me fixe. L'éclat d'une lame, la douleur sur ma gorge, et la chaleur du sang qui coule sur ma peau et mes vêtements.
Et après… le silence.
Je voulais courir, hurler, frapper. Mais mes jambes refusaient de bouger.
Je ne sentais plus rien, sauf la morsure du sol glacé contre mes doigts. J'ai attrapé faiblement la première chose que j'ai trouvé, une écharpe à peine finie par mes parents, pour bander ma plaie.
Quand j’ai enfin rampé hors de ma cachette, il n’y avait plus qu’eux — immobiles, les yeux encore ouverts, figés dans l’horreur.
Quelque chose s’est fissuré en moi, à cet instant.
La peur s’est changée en vide.
Le vide, en haine.
Et la haine… en serment.
Je me souviens avoir pris la main de ma mère, froide déjà, et avoir murmuré que je les vengerais. Pas un mot d’enfant apeurée — une promesse.
Ce soir-là, je suis morte avec eux. Ce qu’il restait n’était plus qu’une carcasse animée par la rage.
Je me suis trainée chez les voisins qui m'ont sauvée de la mort. Des guérisseurs, des gens bien. Mais pas assez gentils pour me garder, moi, une enfant de six ans, à leurs côtés. J'ai ramassé la seule chose qu'il me restait, et je suis partie dans les rues de la ville, seule. Il fallait que je m'en sorte.
Alors j’ai appris.
À mentir d’abord, à sourire juste assez pour qu’on me croie.
À voler ensuite — d’abord un pain, puis une bourse, puis des secrets.
À tuer, enfin, quand il n’y avait plus d’autre choix.
J’étais jeune, mais j’ai compris vite : la pitié n’achète rien.
Je me glissais dans les demeures des riches pendant leurs banquets, vidant coffres et garde-manger. Je travaillais pour les gangs, espionnant, piégeant, menaçant.
Un soir, on m’a payée pour faire disparaître un témoin — j’ai accepté.
La lame n’a pas tremblé.
C’est ce soir-là que j’ai su que je n’étais plus une enfant.
Dans les bas-fonds, je me mouvais comme le vent froid — silencieuse, attentive, prête à frapper.
Je n’ai jamais cherché la renommée ; la discrétion est une arme plus tranchante que n’importe quelle dague. Mon corps meurtri par les échecs, les punitions par ceux qui se font appeler les "Maîtres", physiques, mentales. J'en porte encore les séquelles, gravées dans ma chair et mon esprit.
Mais même les ombres s’épuisent.
J’ai quitté Ordu-Aganhei, suivant les caravanes qui descendaient vers d'autres horizons, plus au sud. À Goka, j’ai troqué mes crimes pour des contrats. La Loge de la Lanterne m’a offert un rôle plus propre — espionne, éclaireuse, messagère. Rien de différent, juste mieux payé.
C’est là que j’ai entendu parler d’eux : la Guilde de Ravel. Des étrangers venus d’Avistan, des mercenaires. Des gens comme moi.
Alors je les ai rejoints.
Pas pour la rédemption — je n’en veux pas.
Je veux le savoir, la puissance, les moyens de traquer ceux qui ont pris tout le reste.
Aujourd’hui encore, je porte un visage humain.
Sous la peau, la renarde attend.
Un jour, je retrouverai ceux qui ont fait couler le sang dans la neige.
Et ce jour-là, ils ne verront rien venir.
Car la vengeance n’a pas besoin de visage.
Elle a juste besoin d'une lame, et d'une détermination sans faille.