Rédacteur : Satoru
La mission :
Au Gymnase d'Or, un temple de Kurgess situé dans la région de Bosco, les frères sous l'autorité du Père Sylvester sont victimes d'un mal mystérieux. Le chef matériel et spirituel de la communauté pense avoir affaire à une malédiction, et contacte la guilde de Ravel pour que des spécialistes viennent l'aider dans cette affaire.
La guilde, en réponse, envoie... Ce qu'elle a sous la main.
L'équipe :
Skud Smaug (kufru) - jeune gobelin aux lames létales et grand amateur de cornichons.
Anniken (angelwitch) - barmaid versatile. Vous avez besoin de quelques coups de hache ? Ça tombe bien, c'est sa tournée.
Regina Braeburn (thishanka) - la magicienne aristocrate du Chéliax montre qu'elle détient aussi le titre du pingouin qui glisse le plus loin.
Willhelmïna (hellmunde) - il y a des jours où le sort s'acharne et la palefrenière a fait pâle figure, mais la chance tourne à la fin !
Satoru le Tanuki (fr_ng_neer) - l'animal de support émotionnel a failli finir mangé par un sandwich de mauvaise qualité, triste fin pour un gourmet.
Déroulement :
Nous localisons le Gymnase d'Or à environ une petite journée de marche le long du chemin littoral en partant vers l'est, et après une légère confusion entre l'est et l'ouest, notre guide nous fait faire demi-tour pour prendre la bonne direction.
Le trajet se déroule sans encombre jusqu'à Bosco, où nous décidons de passer pour nous faire préciser le chemin par les locaux. Nous trouvons le village en pleins travaux. L'atmosphère y est sombre et pesante, du fait des nuages bas qui s'amoncellent au dessus de la petite localité.
Nous nous présentons comme des aventuriers de la guilde et nous sommes reçus cordialement. Un vieil homme fumant la pipe nous demande de passer le bonjour à Aslfsch et Kohaku quand on les verra, en leur précisant bien qu'ils seront les bienvenus à Bosco surtout si ils veulent donner un coup de main pour la reconstruction. Il nous indique le chemin du Gymnase d'Or et nous repartons.
L'heure avançant, nous décidons de faire une halte pour nous restaurer. Nos rations sont mises en commun et je les transforme en festin grâce à un sortilège. Nous nous apprêtons à le déguster, quand une convive non invitée se présente. Attirée par le fumet appétissant de notre repas, une limace géante progresse lentement vers nous, dans l'intention manifeste et inadmissible de s'approprier notre nourriture.
L'équipe galvanisée par la colère fait front et nous affrontons la bête, qui va succomber en quelques coups, non sans gratifier Wilhellmina d'une léchouille gluante et corrosive qui nécessitera quelques soins adaptés.
Étonnamment, le corps de l'animal ouvert en un répugnant épanchement de graisse malodorante ne semble pas attirer les charognards, mais l'odeur est telle que nous renonçons à nous restaurer sur place et décidons de manger en chemin.
Nous arrivons au temple pour assister à la fin de l'entraînement quotidien.
Sous la direction du Père Sylvester, une demi-douzaine de moines s'astreignent à des exercices physiques, avec plus ou moins de succès, tandis qu'une douzaine d'autres vaquent à leurs occupations, travaillant dans les vignes, se restaurant, ... etc.
Nous constatons tout de suite qu'il y a là deux types physiques bien distincts. Une minorité présente une silhouette d'athlète, mais plus nombreux sont ceux qui ont un physique bien plus rond et inquiétant, ayant dépassé la limite de l'obésité morbide. Pour le Père Sylvester, c'est incompréhensible. Tous les frères du Gymnase mangent la même chose : des produits végétaux sains et crus, accompagnés d'un vin qu'ils font eux-même. Rien dans leur alimentation ne permet d'expliquer l'évolution dramatique et surtout rapide de certains adeptes, puisque tout semble avoir commencé il y a environ deux semaines.
Notre enquête ne semble mener nulle part (examen médical, interrogatoire des moines, analyse des aliments) dans un premier temps ; mais Anniken semble néanmoins trouver un intérêt particulier à la cuvée spéciale du Gymnase d'Or, qu'elle nous décrit comme un grand cru et dont une bouteille est à la disposition de membres de la guilde au bar. En revanche, nous apprenons que les jardins souffrent d'une invasion de limaces géantes, depuis environ deux semaines également. Le gras, les limaces... Deux points particuliers et récurrents de cette enquête.
Nous décidons donc d'aller enquêter au jardin.
Surveillées de loin par deux adeptes qui gardent l'entrée du jardin pour des raisons de sécurité, nous trouvons trois limaces géantes en train de brouter sans entrain ce qui semble être une énorme tache de gras. Juste à côté de ces limaces, une de leurs congénères gît, morte et racornie. Un examen approfondi du jardin nous permet de trouver du gras un peu partout. Un mauvais gras, un gras cuit et recuit, à l'odeur nauséabonde de graillon de lendemain d'orgie. Interrogé sur la présence de ce gras, un des frères ventripotents nous semble curieusement évasif. Sentant qu'il y a anguille sous roche, nous décidons d'enquêter dans les deux petits bâtiments qui entourent la zone de la tache de gras.
Les portes en sont barrées de l'intérieur, mais grâce à mes capacités de métamorphose, nous nous dotons d'une échelle pour passer par le toit. Tous ensemble. Parce qu'on ne va pas se contenter d'une solution de facilité et envoyer l'un de nous débarrer la porte. Non, à la guilde de Ravel, on ne se sépare pas pour explorer des bâtiments suspects. Là.
Bref, le sol du bâtiment est gras. Les murs sont gras. La corde pour descendre est grasse.
Et dans le gras, piétiné par nos pieds, le reste d'un cercle d'invocation où il est encore possible de discerner, écrits dans une langue obscure, les mots "Opulentes Victuailles".
Nous constatons aussi que ce gras immonde est également épouvantablement salé.
Une seule amphore de ce gras jeté en pâture à une limace est suffisante pour tuer l'animal. Nous en profitons pour nous débarrasser de la présence de ces encombrants gastéropodes avant d'aller examiner l'autre bâtiment, où nous découvrons une scène similaire, mais les mots du cercle sont intacts et nous pouvons lire l'ensemble de l'incantation : "Ô Béhème, procure-nous tes Opulentes Victuailles".
Ceci ne dit absolument rien à personne, mais nous retournons voir le Père Sylvester pour lui faire part des résultats de notre enquête. Peut-être a t-il raison, après tout, de parler de malédiction.
Nous retrouvons donc le Père Supérieur dans la partie principale du Gymnase.
Prévenu par avance par un des frères athlétiques de nous découvertes, il a rassemblé ses troupes pour un sermon à la sauce Sylvester. Les moines n'en mènent pas large, indépendamment de leur embonpoint. Nous parvenons à force de persuasion à trouver l'un d'eux qui veut bien révéler les tenants de l'affaire, mais au moment où nous nous apprêtons à l'interroger, nous entendons un grand bruit en provenance du jardin et un cri. "Ho, le con !" s'exclame Frère Bruce tandis que nous nous élançons héroïquement vers l'origine du fracas.
Nous arrivons juste à temps pour être témoins du sort funeste du malheureux moine ainsi traité de con par Frère Bruce, avalé par la monstruosité qu'il vient d'invoquer au fond du jardin.
Est-ce une créature ? Un objet animé ?
Cela a l'aspect d'une espèce de sandwich rond, dont la tranche supérieure serait parsemée de graines de sésame, et contenant un steak de viande attendrie à la couleur malsaine, une espèce de fromage gluant et dégoulinant, une sauce rouge sanguinolente et des légumes franchement passés de fraîcheur.
Alors que nos courageux membres se lancent à l'assaut sous un tir de barrage de graines de sésame le long d'un escalier interminable, ils entendent dans leur tête le message impie de la chose, dans une langue que pour mon malheur moi seul arrive à comprendre : "Venez comme vous êtes !".
Tandis que nous nous rapprochons, la chose vomit une nappe de graisse immonde devant elle, nous contraignant à l'aborder par les flancs. En outre, son fumet maléfique et tentateur vient nous chatouiller les narines, menaçant de nous faire sombrer dans une folie boulimique et autodestructrice. Cette chose VEUT que nous la mangions. Comment est-ce que je parviens à trouver en moi cette force nouvelle et mystérieuse qui me fait résister à ce chant de sirène ? Je ne le sais. Sans doute les Astres veillent-ils sur moi ce jour-ci.
La chose ne se déplace pas, mais elle ne reste pas immobile pour autant. Elle nous frappe avec d'immenses morceaux de tubercules frits, et menace de nous saisir pour nous avaler. Mes compagnons ne sont pas en reste, et lui assènent des coups terribles à fendre un cheval en deux, mais la chose semble absorber les impacts de son corps spongieux. Nous blessons la chose, mais elle résiste, et le combat dure... Je vois, alors...
Je vois le sort cruel de mes camarades qui succombent au charme du graillon.
Je vois le regard se vider et les armes s'abaisser de notre fidèle compagnon Skud, tandis que l'eau lui vient à la bouche devant une tranche de cornichon frelaté.
Je vois la fière Dame Régina, le visage déformé par l'envie, se vautrer dans la graisse et glisser sur le ventre pour atteindre plus vite la viande malsaine qu'elle convoite.
Maudit soit le sort qui m'a fait oracle ! Maudite soit la lucidité qui me rend spectateur de la déchéance de mes compagnons ! Et plus encore, que soit maudite la chère impie qui nous tente et nous fait perdre la raison !
Submergé de rage et de chagrin, je dirige toute ma colère vers la chose qui nous surplombe de toute la masse de sa nocivité. "Au nom de tout ce qui est bon, sain et savoureux : Cleanse Cuisine !" m'écriai-je en lançant mon sort.
La chose ressent-elle la douleur ? Toujours est-il que sous l'effet du sortilège, elle se tord, se transforme.
Mes compagnons reprennent leurs esprits.
Saisis de nausée, soudain lucides, ils rompent le charme et repassent à l'attaque. Leurs mains se raffermissent sur leurs armes ruisselantes de gras, Régina déchaîne son pouvoir à bout portant...
La chose me saisit, impuissant, et m'avale, mais je sais à présent, que nous allons la vaincre...
Tandis qu'elle m'aspire dans ses entrailles, je l'entends me narguer une dernière fois : "Tu n'auras pas ton cadeau !" me susurre t-elle. Je rassemble alors toutes les forces qui me restent pour lancer un dernier sort avant de sombrer dans le néant.
Je me réveille meurtri, expulsé du corps agonisant de la chose, encore parcourue de soubresauts. Un air nouveau emplit mes poumons. Nous avons gagné. Je le savais.
Le soir est consacré à notre nettoyage.
Après cette épreuve, nous devons purifier notre corps, nos esprits, et nos âmes. Nous y parvenons grâce à des soins, un bain relaxant, et la présence de nos camarades tous sains et saufs.
Nous parvenons à expliquer au Père Sylvester que les privations auxquelles il soumet ses fidèles peuvent certes parfois renforcer leur détermination, mais plus sûrement les conduiront à des extrémités de ce genre. Il nous entend, et instaure le jour du poulet, où les fidèles de Kurgess pourront s'alimenter en viande blanche nécessaire au développement de leur musculature.
Ainsi soit-il, et gloire à Kurgess !
Je laisse, comme à mon habitude, le soin à mes camarades de compléter ce rapport.